Lors du débat sur les rapport périodique de la situation des droits de l’homme, présentés devant le Conseil des droits de l’homme à Genève, fin mai, le CDH a fait le bilan de la situation en Algérie, dans un rapport qui est plutôt assez contrasté et riche en critiques sur l’absence de changement sur de nombreuses questions.
Principalement, le CDH et avec lui la plupart des ONG internationales ont critiqué l’attitude des autorités algériennes sur l’absence d’amélioration voire sur la dégradation de la situation sur les questions des droits de la femme, des réfugiés et émigrants, ainsi que celle des libertés de se réunir, de manifester ou de s’exprimer.
Ainsi, et en constatant que le gouvernement algérien a levé l’état d’urgence en vigueur depuis 1992, le CDH et avec lui Human Right Watche et Amnesty internationale constatent que les autorités algériennes ont maintenu des restrictions sévères sur la liberté d’expression, d’association et de réunion ainsi que sur les pratiques religieuses. Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser certaines manifestations et réprimer des émeutes ; plusieurs personnes ont été tuées.
À la suite de protestations de masse en janvier2012, parfois accompagnées d’émeutes, des manifestations ont eu lieu tout au long de l’année pour dénoncer la hausse du coût de la vie, et notamment du prix des denrées alimentaires, ainsi que le chômage, les mauvaises conditions de logement, la corruption des autorités et la violence des forces de sécurité.
Bon nombre de ces manifestations étaient organisées par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, organisation regroupant des partis d’opposition, des syndicats et des organisations de défense des droits humains. Ce rassemblement a été formé en janvier après que des manifestations et des émeutes eurent été violemment réprimées par les forces de sécurité ; plusieurs personnes ont été tuées. Des centaines ont été blessées et des centaines d’autres ont été arrêtées.
Concernant la liberté d’expression, d’association et de réunion, les autorités continuaient de restreindre la liberté d’expression et de prohiber les rassemblements publics non autorisés. En janvier, des manifestations de masse à Alger, à Oran et dans d’autres villes ont été dispersées violemment par des milliers d’agents de la police antiémeutes et autres forces de sécurité ; plusieurs personnes ont été blessées ou tuées. Dans les semaines qui ont suivi, des milliers de membres des forces de sécurité ont été déployés, alors qu’étaient lancés des appels à manifester le 12 février à Alger et dans d’autres villes. Dans certaines régions, les autorités auraient également bloqué l’accès aux réseaux sociaux Facebook et Twitter afin d’entraver l’organisation et la coordination des manifestations.
Après la levée de l’état d’urgence le 24 février, les manifestations sont devenues légales dans tout le pays, hormis dans la capitale, sous réserve de l’obtention préalable d’une autorisation. Cette autorisation était toutefois souvent refusée. De nombreuses manifestations non autorisées ont néanmoins eu lieu à Alger et ailleurs. Les forces de sécurité les ont généralement dispersées à l’aide de gaz lacrymogène et de canons à eau ; des manifestants ont été arrêtés. Certains d’entre eux ont été inculpés et renvoyés devant des juridictions pénales.
Des organisations de défense des droits humains ont affirmé que les autorités leur refusaient parfois l’autorisation de tenir des réunions. Des syndicalistes se sont plaints d’être harcelés par les forces de sécurité. Le gouvernement aurait refusé d’autoriser la création d’associations ou de partis politiques nouveaux, indiquant aux demandeurs qu’ils devaient attendre l’adoption de nouvelles lois.
Pour leur part, les femmes continuaient d’être victimes de discrimination en droit et en pratique et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences liées au genre, y compris au sein de la famille. Aucune mesure n’a été prise pour lutter contre l’impunité dont bénéficiaient les responsables d’atteintes graves aux droits humains commises par le passé.
Les femmes continuaient de subir des discriminations dans la législation et dans la pratique. En particulier, aux termes du Code de la famille de 2005, les droits des femmes étaient subordonnés à ceux des hommes en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et d’héritage.
En mai, à la suite de sa visite en Algérie le mois précédent, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a déclaré que le gouvernement avait pris des mesures positives dans le domaine des droits des femmes. Elle a toutefois exhorté les autorités à agir pour combattre la violence persistante contre les femmes dans la famille, le harcèlement sexuel et la stigmatisation des mères célibataires et des femmes vivant seules.
En novembre, l’Assemblée populaire nationale a adopté une loi visant à améliorer la représentation des femmes au Parlement. En revanche, elle n’a pas adopté les projets qui prévoyaient un quota de 30 % de femmes dans toutes les circonscriptions et la désignation de femmes en tête de liste lors des élections.
•En juin et en juillet, dans la ville septentrionale de M’sila, des groupes de jeunes hommes auraient attaqué des femmes qu’ils accusaient de prostitution.
Sur l’épineuse question de la disparition forcée, cette année encore, les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur les milliers de disparitions forcées et autres violations graves des droits humains qui ont eu lieu au cours du conflit interne des années 1990, ni pour faire en sorte que les responsables de ces agissements aient à rendre compte de leurs actes.
Elles ont continué de mettre en application la Charte pour la paix et la réconciliation nationale (Ordonnance n° 06-01), qui accorde l’impunité aux forces de sécurité, rend passibles de poursuites les personnes qui critiquent le comportement de ces forces et octroie l’amnistie aux membres de groupes armés responsables d’atteintes flagrantes aux droits humains.
Sur l’ensemble des autres droits, nous pouvons relever que, le Conseil des droits de l’Homme, a de nouveau épinglé les autorités algériennes sur le non respect des droits culturels.
Le rapport du CDH indique, que "le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a recommandé à l’Algérie de reconnaître l’amazigh comme langue officielle et d’intensifier ses efforts pour assurer l’enseignement de la langue et de la culture amazigh dans toutes les régions et à tous les niveaux d’enseignement".
Une façon de rappeler que ces droits culturels ne sont ni reconnus, ni respectés, encore moins faisant l’objet de réalisation sur le terrain, par les autorités algériennes.
La même absence de réactivité est constatée en ce qui concerne les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile.
Ainsi la compilation du CDH indique que "le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) a recommandé l’adoption d’une loi consacrant le droit d’asile en Algérie et le renforcement des capacités des autorités qui ont affaire aux personnes relevant de la compétence du HCR,….", ajoutant que ce même "HCR a recommandé à l’Algérie d’appliquer la convention de 1951 et la loi nationale n° 08-11, qui, entre autres, prévoient que les personnes ayant besoin d’une protection internationale ne peuvent pas être sanctionner pour entrer et séjour illicites dans le pays".
Ces aspects n’ont pour le moment fait l’objet d’aucune avancée et de ce fait les Sahraouis se trouvant dans les camps de Tindouf dont la communauté internationale et le HCR demande le règlement de leur situation et au minimum l’accès libre du HCR à ces camps, ne sont pas près de voire leur situation changer.
Le même constat est fait concernant le Front Polisario, qui n’a pris aucune mesure pour mettre fin à l’impunité dont bénéficiaient ceux qui étaient accusés d’avoir commis des atteintes aux droits humains durant les années 1970 et 1980 dans les camps de Tindouf (région de Mhiriz, en Algérie), qu’il contrôle.
Une absence de réaction à laquelle vient s’ajouter une nouvelle menace avec la prolifération des groupes terroristes dans la région du Sahel et dont de nombreux élément du Polisario font partie.
Ainsi, en octobre, trois employés d’organisations humanitaires – un homme, de nationalité espagnole, et deux femmes, une Italienne et une Espagnole – ont été enlevés par un groupe armé dans le camp de Rabouny de réfugiés géré par le Front Polisario, et qui plus est le siège même de la direction du Polisario. L’enquête préliminaire a montré que les preneurs d’otage avaient des complicités au sein même du front qui les ont aidés à commettre leur forfait. Les otages n’ont toujours pas été libérés.